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  • De l’importance de ce que l’on porte

    Il existe un très joli livre pour enfants qui raconte que nous portons tous un seau. Ce seau est rempli de notre joie, de nos bonnes actions, de notre empathie. Envers nous même et envers les autres. 

    Malencontreusement ou délibérément, ce seau peut être vidé de son contenu. Si nous agissons « mal » ou si nous subissons ce mal. 

    Quelle réaction se fait-elle entendre le plus souvent quand il s’agit d’exprimer notre peine de sentir ce seau pillé ? 

    « C’est pas grave ».

    Ce « c’est pas grave » voudrait rassurer quant au caractère anodin, normalisé de l’événement. Les intentions des pourvoyeurs de cette petite phrase sont souvent bonnes ou du moins, dénuées de perversité. 

    Il s’agit bien de poser un pansement sur le genou égratigné. De faire  » un bisou qui guérit » et de passer à autre chose. 

    Il peut pourtant produire un effet bien différent: Si elle n’est pas nettoyée, la plaie risque de s’infecter. De laisser une marque dans le temps et de rester sensible au toucher. 

    Ce  » C’est pas grave » à pour fonction initiale de dédramatiser la situation. 

    Car il est un lieu commun de croire que la seule légèreté peut faire tourner la page et s’en aller gaiement; le seau vide, le cœur lourd. 

    Ce « c’est pas grave » annihile l’impact du choc ressenti. Et ce, quelle qu’en soit sa proportion. 

    Il intime la réduction quasi immédiate de la douleur ressentie. 

    Enfin, il semble retirer une part non négligeable de la force personnelle qui permet de se rétablir plus aisément. 

    En quel(s) nom(s) cette injonction est-elle imposée ?

    -Le caractère nécessaire d’avancer coûte que coûte?

    – La projection personnelle que le dommage occasionné ne vaut pas la peine qu’on y prête attention? 

    – Le manque d’autorisation à se prendre intimement en compte? 

    Et si, en changement légèrement de point d’observation, l’injonction devenait une question. Passant de  » ça n’est pas grave » à  » est ce important pour moi/toi ? ». 

    Prendre le temps – à la fois incompressible et profondément personnel- d’investiguer la notion de l’importance du ressenti, c’est (se) redonner un contexte à la douleur. C’est autoriser les mots à venir exprimer la sensation de cette douleur personnelle. Quand bien même elle serait anodine pour d’autres que nous. 

    Dis de manière plus étayée : » la situation me/te fait réagir. En quoi son impact est important pour moi/toi? » 

    Une perspective nouvelle s’ouvre comme une relecture de l’événement traumatique/stressant: 

    -Pourquoi ai-je mal? 

    -De quoi ai-je besoin pour me remettre de ce choc?

    -Qu’est ce qui vient autant percuter mon ressenti intérieur ? 

    Autant d’interrogations qui ne trouveront réponses que si on les pose au préalable. A soi. A l’autre. (cela paraît logique). Que si on s’ouvre à une écoute bienveillante. A soi. A l’autre. (cela paraît indispensable ). 

    Important signifie étymologiquement  » ce que l’on porte « . 

    Prendre le temps – à la fois incompressible et profondément personnel- d’investiguer la notion de l’importance du ressenti, c’est (se) redonner un contexte à la douleur. C’est autoriser les mots à venir exprimer la sensation de cette douleur personnelle. Quand bien même elle serait anodine pour d’autres que nous. 

    C’est en outre, recollecter les échos des souvenirs de ces activations : les fois où elles furent surmontées et objectiver ce qui continue à revenir en de pareilles occasions. 

    Ainsi, à jour avec ce que l’on porte en soi, on récupère notre responsabilité -notre engagement personnel à se porter de l’attention- afin de sortir de la spirale victime -bourreau qui se répète inlassablement quand il nous semble subir une situation.

    Le livre se termine sur l’idée que le seau invisible que nous portons tous reste rarement vide longtemps. La bienveillance, la présence, le soutien, la confiance… sont autant de formules magiques qui remplissent à nouveau notre seau et duquel nous remplissons ceux des autres. 

  • De l’importance de parler, d’être écouté et de se connecter à notre ressenti corporel

    De l’importance de parler. 

    De l’importance d’être écouté.

    Il n’y a pas tant de « problème  » que d’espace de silence manquant. 

    L’accompagnement thérapeutique participe à ce processus de libération de la cohue mentale en vue de laisser émerger et s’exprimer la clarté intérieure déjà présente en nous. 

    De l’importance de notre ressenti corporel. 

    Le corps que nous avons nous accompagne depuis -au moins- notre création. Il nous suit, bon an mal an, témoin de chaque moment de notre vie. Et il conserve en lui, dans son développement, dans son fonctionnement, les traces de nos histoires . Certaines de manière plus fortes que d’autres, comme une jolie marque de bronzage ou une cicatrice. 

    Notre corps nous connaît si bien qu’il s’adapte à la volonté de notre mental: aux obligations diverses et variées, l’éducation, l’école, le trans-générationnel, les codes sociaux, les objectifs à atteindre… 

    Jusqu’au(x) jour(s) où il refuse d’aller plus loin. Alors on lui tend des carottes pour le motiver. Alors on lui botte les fesses pour le forcer.

    Et si une autre méthode était possible? 

    Se poser à ses côtés et le regarder comme un ami qui aurait besoin d’exprimer son état, son cumul d’émotions. Juste le temps de se sentir alléger, pris en considération, reconnu, libéré… et de reprendre sa route plus en accord avec lui. Donc avec soi. En soi. 

    Un soi plus ajusté à notre nouveau moi !

    Car il s’agit bien de transformation, de la customisation d’un costume trop grand ou trop étroit qui tombe mal, de s’extirper d’une carcasse qui étouffe.

    On y voit une mue, un mouvement qui vient de l’intérieur. 

    « Exprimer ses émotions » signifie littéralement : laisser sortir la substantifique moelle d’un mouvement qui vient de soi.

    Ne disons-nous pas  » être touché.e. par « une musique, une image, un paysage, une rencontre, une surprise… 

    Quelque soit la connotation, « positive ou négative », la réaction intérieure à une scène de vie est l’expression d’une émotion individuelle qui vient faire référence à une mémoire. 

    Une mémoire qui ne se résume pas à notre intellect, notre mental. 

    Car « être touché  » passe inexorablement par la matière. 

    Ce souvenir imprécis remonte de notre corps et vient nous mettre en expansion devant la joie et la beauté, en compression devant la tristesse et la violence. 

    Chacun s’exprimant par l’intermédiaire de son propre corps, de son propre catalogue de souvenirs engrammés en lui, nous sommes tous singuliers dans l’émission de notre ressenti émotionnel et corporel. Et par ailleurs, nous sommes tous liés par la dénomination de ces ressentis ( la joie, la colère, la tristesse, le besoin, le dégoût, l’amour…) 

    Nous sommes donc tous liés par notre singularité. 

    En reconnaissant notre singularité, nous pouvons ( nous récupérons le pouvoir de) communiquer sur notre état d’être. 

    Car contacter le ressenti corporel, c’est renouer un dialogue intègre tant auprès des autres que de nous-même. 

    C’est laisser le mouvement reprendre de l’intérieur vers l’extérieur et sortir de l’impact mental de l’extérieur vers l’intérieur. 

    Autrement dit, de ne plus subir l’adaptation ( « Je dois changer. Je ne dois pas être triste. Ça va passer, y a pire ») au profit du choix de l’écoute intérieure ( » cette situation crée un mouvement de colère en moi. Dans ce moment, je ressens un serrement dans la gorge. Là, tout de suite, je me sens perdu.e. et petit.e. »). 

    Avec la bienveillance, la patience et la tendresse que nous aurions pour un.e. ami.e., pourrions-nous nous asseoir auprès de nous-même, prendre de nos nouvelles et nous glisser à l’oreille: « Je te crois. Je te vois. »